L’information, pilier de l’EMI
Face au flot constant de contenus, face à la polarisation des débats médiatiques et au mélange des genres entre faits et opinions, la défiance des Français envers les médias s’installe. Elle est confortée par une focalisation sur les risques de détournement de l’information et la chasse aux fausses nouvelles qui ne prend pas la mesure du rôle indispensable des médias pour la démocratie et pour le lien social. L’éducation aux médias et à l’information doit se construire sur la richesse individuelle et collective fournie par les médias, vecteurs d’ouverture au monde et de rencontre de points de vue divers.
Si nous ne consacrons pas le rôle positif de l’information, l’EMI s’étiolera, au fur et à mesure des urgences dictées par le numérique. Les questions de cyberharcèlement, d’ingérence étrangères sont cruciales, mais les réponses attendues ne doivent pas se substituer à l’apprentissage de la fabrique de l’information et de son utilité.
L’éducation aux médias et à l’information ne doit pas devenir une éducation aux écrans. Elle a besoin d’une définition précise, construite sur des valeurs et des enjeux clairs.
L’EMI ne doit pas s’arrêter à la salle de classe
Pour cela, l’EMI doit dépasser le cadre des compétences ministérielles.
Au sein de l’Éducation nationale, les actions du CLEMI et le déploiement du Pass Culture ont apporté des avancées notoires, mais elles ne répondent pas au besoin global de manière homogène et égalitaire. Le succès des actions menées repose encore trop souvent sur la conviction, le choix ou l’engagement des enseignants impliqués.
Surtout, l’EMI ne doit pas s’arrêter aux portes des salles de classe. Elle concerne tous les publics.
Le ministère de la culture soutient avec enthousiasme les cultures numériques et l’esprit critique, mais faute de moyens et d’ambition politique, son impact demeure limité. La justice, l’organisation des territoires, l’enseignement agricole, la formation professionnelle, la solidarité, le troisième âge … sont eux aussi concernés par ce sujet.
Si notre objectif est de garantir l’accès de tous à une information de qualité, il nous faut nous intéresser à toutes les générations, toutes les catégories sociales, tous les territoires. C’est la raison pour laquelle un pilotage interministériel de l’EMI s’impose.
Les acteurs de l’EMI doivent se rassembler
Sur le terrain, une myriade d’acteurs associatifs répond aux demandes par des rencontres, des ateliers, des actions diverses, aux impacts variés et le plus souvent non mesurés. L’APEM, à travers les 600 titres de presse qu’elle représente et les centaines d’actions d’éducation aux médias et à l’information menées chaque année par des journalistes professionnels, touche l’ensemble des territoires. Nous proposons de continuer à fédérer l’ensemble des acteurs pour accompagner les pouvoirs publics dans la mise en place d’une politique structurée, en repérant les dispositifs réplicables et leur déploiement à l’échelle.
Nous avons besoin d’une politique globale, nourrie des enseignements des États Généraux de l’Information, centrée sur la valeur de l’information dans l’espace démocratique. Le temps des bonnes volontés d’acteurs convaincus et des engagements publics limités est dépassé. L’État doit afficher ses ambitions sur le sujet, poser un cadre clair pour y répondre. L’APEM sera présente pour accompagner la mise en place de cette politique en rassemblant les acteurs de terrain.
Marie-Anne Denis, présidente de l’Association pour l’Éducation aux Médias.